Un petit lion très courageux

8 octobre 2021

Ne vous est-il jamais arrivé de vivre un événement qui sort tous les autres de vos pensées? Certaines circonstances qui remettent en question vos croyances les plus ancrées? Qui font battre votre cœur sur le rythme d’une toute nouvelle réalité? Notre garçon Samuel était un petit lion très courageux. Vous en avez peut-être déjà entendu parler. On dit que chaque famille a son histoire. Bienvenue dans la nôtre.

La dernière année a été marquée par la naissance et le décès de notre fils, à l’âge de 1 an. Vous souvenez-vous d’avoir vécu des émotions aussi significatives, aussi intenses que celles ressenties au moment de donner la vie ou de dire adieu à un proche? Entre ces deux moments marquants, le vent a soufflé si fort que sous son action, notre famille a dû naviguer sur des vagues d’espoir et de désespoir, de colère et de résignation, des vagues qui vont et qui viennent, qui s’intensifient et se calment, nous faisant vivre, mourir et revivre sans arrêt, sans échéance ni cohérence. Samuel était atteint d’une maladie génétique rare, un trouble du cycle de l’urée dont le traitement a été compliqué par une condition gastro-intestinale sévère. Plus simplement, son foie générait un taux d’ammoniac progressivement fatal dès qu’il consommait des protéines alimentaires. Les solutions conventionnelles étaient inapplicables à ses particularités. À quatre jours seulement, sa vie était déjà menacée, alors que sa condition fût révélée par un coma hyperammoniémique très grave. L’intégrité de son cerveau fût alors compromise, entraînant différents troubles.

Même si Samuel n’a jamais habité le nid familial, nous, ses parents, étions présents auprès de lui à temps plein, en alternance. Sa maison, c’était l’hôpital; sa condition nécessitait une surveillance constante. Ne tolérant pas l’alimentation conventionnelle, son hyper-alimentation intra-veineuse (H.A.I.V.) lui permettait de favoriser un certain état de bien-être. Sans ses pompes pour le nourrir, sa sœur et lui n’auraient pas eu le plaisir de se connaître. À l’amorce de la tempête, la Terre tremblait déjà sous l’impact de la pandémie, qui avait pour effet d’amplifier notre vertige.

Je me souviens avoir été ébloui par la lumière, enfin, lorsque je me suis qualifié pour lui donner une partie de mon foie. Nous ne savions pas alors que l’état de son cerveau s’était détérioré en cours de trajet. J’avais perdu 35 livres en deux mois après avoir été disqualifié à mon premier essai. Vous êtes-vous déjà senti fier au point d’avoir la plus pure impression que votre mission de vie s’était soudainement révélée, que sont atteinte était tout-à-coup le fait du caractère exceptionnel d’un seul accomplissement? C’est ce que j’ai ressenti lorsque l’on m’a annoncé que j’allais sauver la vie de mon fils, que la date des opérations était déjà planifiée. Malheureusement, dès le lendemain matin, l’annonce d’un nouveau diagnostic est venue compromettre l’opération; il s’agissait en quelque sorte d’une condamnation à mort, puisque la greffe était la seule solution éliminant la maladie génétique à la source.

À ce moment précis, de façon soudaine, j’ai eu l’impression que la brume s’était installée sur la mer déjà houleuse, en pleine nuit. J’ai eu le mal de mer. C’était un point de bascule. Nous avions besoin d’être éclairés, de choisir une direction pour éviter le naufrage. Ma fille faisait partie de l’équipage, il lui fallait une bouée, un ancrage sécurisant.

C’est à ce moment qu’est apparue une lumière au large, comme une destination; il y avait un Phare à l’horizon.

Au Phare, nous avons été accueillis et accompagnés avec bienveillance, nos besoins ont été identifiés et traduits en actions. Imaginez une année complète à maintenir le cap, à braver l’ouragan, les deux mains fermement sur le gouvernail, et que soudainement, un équipage vous propose de prendre le contrôle, de changer l’itinéraire afin que vous puissiez atteindre votre destination en eau calme, sans vous soucier de la manœuvre et du service sur le navire. Ce qui distingue vraiment Le Phare, c’est la flexibilité, l’adaptabilité, la capacité à faire passer les valeurs humaines avant tout, tout le temps. Nous avons développé notre résilience en vivant chaque instant de la façon dont c’était le plus important pour nous de le vivre et à travers des activités qui façonnent la mémoire. Mes enfants ont pu se laver et dormir ensemble. Nous avons invité grand-maman à célébrer la fête des Mères auprès de ses petits-enfants. La présence de bénévoles, les activités de musicothérapie et de zoothérapie ont procuré une expérience positive. Cet accompagnement nous a permis, comme parents, de donner à Samuel toute l’attention méritée, en sachant que l’encadrement de qualité dont bénéficiait parallèlement sa sœur était essentiel à son propre processus de deuil.

Samuel est décédé dans la dignité, confortablement blotti contre le cœur de sa maman, alors que je caressais sa main et son pied. J’ai eu l’impression qu’il se sentait en sécurité, serein, au sein d’un environnement chaleureux, aimant, correspondant à nos valeurs familiales. Combien d’enfants ont droit à une haie d’honneur après le grand départ?

Si Le Phare est une maison de soins palliatifs pédiatriques indispensable pour les familles d’enfants malades comme la mienne, il s’agissait aussi, en quelque sorte, de la première maison familiale de Samuel. Le Phare s’expose aux éléments et se veut rassurant lorsqu’il guide par toute sa lumière les familles à bon port. Combien de naufrages a-t-il bien pu prévenir? Sa mission est essentielle, incomparable et correspond à mes valeurs. Je suis fier d’encourager Le Phare. Ma famille peut-elle compter sur la vôtre pour aider Le Phare à éclairer d’autres chemins?

Nous comptons sur vous.

Merci,

Étienne Potvin-Albert et Marie-Claude St-Hilaire, au nom de toute la famille.