Si on m’avait dit, quand j’étais enceinte, qu’à neuf ans, mon fils ne ferait pas encore ses nuits, j’aurais pleuré. C’est long neuf ans sans nuit complète. On m’a plutôt dit et répété: ne t’inquiète pas. Tu vas voir, à trois ans, tous les enfants font leur nuit. Tous les enfants, vraiment? Je sais maintenant que c’est faux. Surtout pour les enfants malades. Comme mon fils Félix-Antoine, atteint du syndrome de Hunter, une maladie progressive.
Si on m’avait dit, avant que je ne tombe enceinte, qu’à neuf ans, mon fils ne ferait pas encore ses nuits, j’aurais changé de plan de vie. Cela use un couple d’avoir la mèche courte par manque de sommeil. Cela use aussi un corps de manquer de temps pour récupérer. Cela use une mémoire, et tant de choses encore. Et j’ose à peine imaginer l’impact sur mon fils, lui qui aurait tellement besoin d’un sommeil réparateur. Salvateur, même.
Alors, oui, si on m’avait dit qu’à neuf ans, mon fils ne ferait pas encore ses nuits, j’aurais décidé de ne pas avoir d’enfant. J’aurais sûrement mieux dormi. Mais je ne n’aurais pas connu Félix-Antoine. Pire encore, je n’aurais pas connu l’amour. Celui avec un grand F-A.
L’amour que j’ai ressenti quand enceinte, pour la toute première fois, j’ai entendu le battement de cœur de mon fils. L’amour ressenti tout au long des mois de grossesse à me flatter la bedaine en l’espérant dans mes bras. L’amour en le voyant pour la toute première fois, mes yeux boursoufflés d’avoir trop poussé son entrée dans le monde. L’amour traversé dans nos yeux pendant ces douces minutes où je l’allaitais. L’amour reçu par ses câlins et bisous sucrés. L’amour encore à partager nos jeux de cartes, nos casse-têtes, la lecture d’un livre, une chanson, un repas. L’amour exprimé par ses larmes quand je partais, ou ses cris et rires quand je revenais. L’amour contenu dans sa main potelée qui me flatte la peau et s’agrippe à mon cœur…
Je n’aurais pas non plus connu l’amour qui s’est transformé en force insoupçonnée quand on a reçu la pire gifle de notre vie: le diagnostic de la maladie chez mon garçon. Je n’aurais pas senti l’amour qui déplace des montagnes. L’amour qui, malgré le tourbillon des rendez-vous, me pousse à faire de chaque jour passé à l’hôpital, un semblant de carnaval. Celui qui promet. Celui qui, malgré les maux, les dégénérescences, garantit de toujours rester près de lui, prête à redoubler de courage quand les pronostics seront déprimants. Surtout, l’amour qui nous permet de garder l’espoir en de jours meilleurs, celui qui pousse à chercher et trouver des pépites de bonheur.
Sans Félix-Antoine, je n’aurais pas, non plus, connu autant Le Phare, Enfants et Familles, véritable source d’amour pour nos enfants malades. Au Phare, Félix-Antoine dort. Et pendant qu’il y dort, je peux dormir moi aussi et me refaire un peu. Je sais qu’il y est bien, que la chaleureuse lumière du Phare réchauffe ses nuits. Et nos cœurs aussi.
Pendant ces instants de répit, je peux revenir à ce que j’aime faire pour moi : écrire. Et j’écris en pensant à mon fils. Pour me rapprocher de lui. Pour éloigner la maladie. Baignée de sa lumière – mon inspiration – je couche sur papier le mot «merci». Merci au Phare d’être au cœur de nos vies. Merci aussi à mon fils, Félix-Antoine. Car c’est bien grâce à lui si maman, je suis.
Édith Lacroix, maman de Félix-Antoine Aublet
Édith Lacroix a publié un premier album jeunesse, Filipou et la pomme géante, en novembre 2021. Elle sortira un deuxième album, Le Petit oiseau rare, chez Québec Amérique en août 2022, pour lequel elle remettra toutes ses redevances à Le Phare, Enfants et Familles.
Pour l’amour des mamans et de leur enfant admis au Phare, merci de votre générosité!