Juliette a vécu presque 8 ans sans diagnostic précis, sauf une atteinte neurologique importante. Juliette, c’était une petite fille de 4 mois dans un corps d’une grande fille affligée par la maladie. À 4 ans, après une pneumonie sévère, pour la toute première fois, l’équipe extraordinaire de Ste-Justine nous parle de la transférer en soins palliatifs. On était rendu là, là où aucun parent ne veut se retrouver.
C’est ma maman qui avait entendu parler du Phare. À partir de ce moment, nous avions le choix de poursuivre les soins palliatifs de Juliette à l’hôpital ou de nous déplacer vers Le Phare. Après réflexion, Le Phare c’est l’endroit qui nous offrait d’être ensemble. Toute la famille pouvait venir alors qu’à l’hôpital c’était parfois restreint. Le Phare, c’est un environnement réconfortant, apaisant et moins stressant qu’un centre hospitalier.
Les saisons se sont enchaînées avec des hauts et des bas pour Juliette. L’équipe du Phare était toujours à l’écoute, prête à nous accueillir autant pour des séjours de répit, que lorsque l’état de Juliette se détériorait et qu’on anticipait la fin…
Je me souviens de Julien, infirmier, et de nos belles conversations philosophiques sur la vie. Tamara, préposée, qui s’appliquait à faire des coiffures incroyables à Juliette, alors qu’à la maison les soins prenaient tout notre temps. Nancy, infirmière, qui apportait ses wong tong faits maison pour les partager avec nous. Des petites attentions très appréciées et qui m’ont marquée parce qu’elles témoignent de l’importance qu’on accordait à Juliette et à notre famille.
Après la course caritative du Phare en avril 2019, Juliette s’en allait en répit alors que la famille élargie s’envolait pour une semaine de repos au soleil. Un répit qui devait être un répit comme un autre. Avant de partir, nous étions avec Véronique, une infirmière du Phare, à discuter tout bonnement en donnant à manger à Juliette. Je ne pouvais pas le savoir, mais c’était le dernier moment qu’on allait partager avec Juliette. À quelques jours de notre retour, son état s’est détérioré rapidement et elle est décédée au Phare entourée de ma belle-famille et nous…à distance sur les réseaux sociaux. Juliette avait choisi de faire son voyage en même temps que nous.
Ça me rend encore émotive de revoir, en vidéo, toute l’équipe autour de Juliette lorsqu’ils l’ont accompagnée jusqu’à la sortie du Phare en formant une haie d’honneur. Voir leur peine, ressentir l’attachement et l’amour qu’ils ont pour elle, c’est émouvant de voir à quel point ma fille a touché plein de gens autres que nous.
Accompagner une famille qui s’apprête à dire aurevoir à son enfant, le personnel du Phare vit ça régulièrement. Ça témoigne de leur cœur immense et leur amour sans borne.
Même après le départ de Juliette, j’ai toujours senti que la porte était ouverte. On est pris en charge comme parents d’enfant avec des besoins particuliers, mais aussi comme parents endeuillés.
L’arrière-grand-père de Juliette, qui habitait à proximité du Phare, la visitait régulièrement lors de ses séjours. Il a été ébranlé de la voir partir avant lui. Le Phare a été là pour lui aussi, comme il aurait pu l’être si nécessaire, pour tous les membres de la famille.
De mon côté, je remarquais que dans mon entourage on n’osait pas me parler de Juliette, de notre deuil et ça me faisait de la peine. Ça me donnait l’impression que ma famille se souciait peu de mes sentiments. À un atelier en suivi de deuil animé par Marion, travailleuse sociale au Phare, j’ai réalisé que les parents endeuillés présents vivaient le même malaise avec leur entourage, comme un tabou. Mon beau-papa, qui nous accompagnait à cet atelier, a finalement donné une explication. Il disait qu’il était mal à l’aise de s’informer de notre état, il avait peur de tourner le fer dans la plaie, d’être maladroit, de raviver la peine en posant des questions ou simplement d’être indiscret. Alors il se taisait. Ce que je prenais pour de l’indifférence était en fait une sorte de délicatesse. Ça m’a fait un bien énorme d’enfin comprendre!
De voir ce village qui s’est formé, de pouvoir échanger avec d’autres et constater qu’on n’est pas seul à vivre une situation comme ça, c’est apaisant.
Quand Le Phare arrive dans ta vie, ça vient mettre un baume sur des souffrances, ça te permet d’avoir de l’aide pour faire le deuil d’une vie « normale », sans maladie.
Marie-Ève, maman de Juliette décédée au Phare à l’âge de 7 ans.
Donnez pour prendre soin